La marche bipède, caractéristique de l’homme, constitue un défi particulier pour l’équilibre. La stabilité en est un élément essentiel. D’un point de vue mécanique, la stabilité est la faculté de maintenir une locomotion fonctionnelle en dépit des perturbations cinématiques et des erreurs de contrôle (England & Granata, 2007). En d’autres termes, elle est indispensable pour prévenir les pertes d’équilibre et éviter la chute.
La prévalence des chutes est augmentée dans plusieurs populations de sujets, notamment chez les personnes âgées et les patients avec des troubles d’origine neurologique. Un tiers des personnes âgées tombent chaque année (Tinetti, 2003) et ces chutes induisent souvent une hospitalisation (Alexander, Rivara, & Wolf, 1992). Une étude sur les patients admis en neurologie a révélé que 34% des patients avaient chuté au moins une fois dans l’année et qu’un trouble de la marche expliquait 55% des chutes (Stolze et al., 2004). De manière générale, si les causes des chutes sont multifactorielles, il est un fait qu’une forte proportion de celles-ci arrive alors que la personne est en train de marcher (Winter, Patla, Frank, & Walt, 1990 ; Menz, Lord, & Fitzpatrick, 2003c ; Scott, Votova, Scanlan, & Close, 2007). Outre l’impact humain et psychologique, la chute représente donc un véritable enjeu économique dans une société à la part grandissante de personnes âgées. Plusieurs auteurs ont mis en évidence un lien entre certaines caractéristiques de la marche et un risque de chute accru (Maki, 1997 ; Hausdorff et al., 2001a) mais il n’existe à ce jour aucun outil utilisable en routine clinique pour évaluer l’instabilité. Or, disposer d’un tel outil permettrait non seulement d’identifier un sujet à risque de chute mais serait aussi très utile dans le suivi thérapeutique et la rééducation des patients.
La pathologie n’est malheureusement pas l’apanage des adultes et des personnes âgées. De nombreux enfants présentent des troubles qui affectent leur équilibre dynamique. Cependant, le contrôle moteur et la stabilité ne sont pas des caractères innés. Parvenir à un contrôle mature optimal nécessite une maturation des structures physiologiques et de longues années d’expérience. La période des premiers pas est empreinte d’une forte instabilité (Thelen, 1986 ; Okamoto & Okamoto, 2007), cela même en dehors de toute pathologie. Chez les enfants, le problème des chutes est fortement lié aux étapes développementales (Flavin, Dostaler, Simpson, Brison, & Pickett, 2006). Ainsi, lorsque le clinicien est confronté à une population pédiatrique, il lui est nécessaire de pouvoir différencier l’instabilité développementale de l’instabilité pathologique.
L’objectif de ce travail de thèse est le développement d’un score évaluant la stabilité au cours de la marche. La revue de littérature (chapitre I) sera l’occasion de dresser un état des connaissances dans les différents champs abordés. Après un bref rappel sur la structure de la marche, nous aborderons les notions qui seront le cœur du mémoire : équilibre, stabilité et variabilité. La suite sera consacrée aux théories du contrôle moteur et mettra en lumière la dépendance conceptuelle de ces notions, ce qui aura des conséquences sur la manière d’appréhender et de mesurer la stabilité de la marche. Pour terminer, nous traiterons des modifications naturelles et pathologiques de la stabilité. Le chapitre II exposera les problématiques et les besoins cliniques justifiant le développement d’un outil de quantification de la stabilité. Dans le chapitre III, nous proposerons un nouvel index et préciserons la méthodologie et les calculs utilisés dans sa conception. Les chapitres suivants concerneront l’application de ce nouvel index à des sujets asymptomatiques et pathologiques.
Nous essaierons alors d’identifier des spécificités dans le contrôle de l’équilibre dynamique selon la nature des troubles présentés. La progression de notre propos respectera la chronologie de la vie. Ainsi le chapitre IV s’intéressera à la mise en place de la stabilité chez l’enfant, des premiers pas à l’adolescence, puis dans le chapitre V, nous évaluerons l’applicabilité de l’index à l’enfant paralysé cérébral. Chez de jeunes adultes atteints d’ataxie de Friedreich (chapitre VI), une pathologie neurodégénérative rare, l’index sera confronté aux tests cliniques utilisés de façon standard. Nous évoquerons finalement (chapitre VII) l’influence de la sénescence sur la stabilité et présenterons les premiers résultats d’une étude chez la personne âgée cérébrolésée. Le chapitre VIII permettra de faire la synthèse des résultats et fera l’objet d’une discussion générale.
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